Le marché de l’art - achat plaisir et investissement rentable

24 Mai 2019 Lonlay et associés : Cabinet de conseil en gestion de patrimoine

Interview Marc Le Bouc - Galerie La Bouquinerie de l’Institut (Paris 6e)

Interview Cécile Bernard - Sotheby’s Auction House Director

 

QUELQUES CHIFFRES CLÉS

 

  • Le chiffre d’affaires sur le marché de l’art atteint 67,4 milliards de dollars en 2018, pour un volume de transactions de 39,8 millions.
  • 310 700 entreprises sont actrices directes ou indirectes du marché.

 

“Investir dans l’art ? Ce n’est pas pour moi, je n’ai pas les moyens !”, tel est l’adage entendu le plus souvent quand on parle d’investissement artistique. Effrayant parce que généralement inconnu, ce type d’actif patrimonial n’est toutefois pas réservé aux initiés. Amateur éclairé ou néophyte sous le charme, chacun peut trouver conseil pour que ses coups de cœurs artistiques soient au mieux valorisés et ce, dans les quatre étapes de leur cycle de vie : acquisition, détention, cession et transmission.

 

Lonlay & Associés décrypte pour vous les principaux aspects juridiques, fiscaux et financiers, spécifiques des actifs artistiques, en partant à la rencontre d’acteurs du marché.

 

Qu’est-ce qu’un actif artistique ?

Un actif artistique est un bien tangible (peinture, sculpture, mobilier) ou intangible (performance) qui appartient ou appartiendra à une personne physique ou morale et qui relève de ce que la loi considère comme une œuvre d’art ou objet de collection. Le caractère tangible de ce type d’actif, lors de la crise des marchés financiers, a poussé les investisseurs craintifs à diversifier leur patrimoine en se tournant vers l’or et les œuvres d’art.

Évaluation et caractéristiques de l’actif

Les critères d’évaluation mettent tout le monde d’accord. Sont pris en compte en amont d’une vente, sur le marché public comme privé, l’artiste, la date de l’œuvre, le format, le mouvement, l’état de conservation, le pedigree, le “wall power” (à savoir le cachet de l’œuvre en question). Cette valorisation s’effectue dans le contexte d’un marché et des pièces comparables y circulant, nécessitant a fortiori un expert au-delà des analyses scientifiques décorrélées des marchés.

 

Suivant les contextes de marché, il est parfois difficile de trouver un acheteur pour la revente, par conséquent ce bien tangible a cela de notable qu’il n’est pas liquide. Une cession à un moment inapproprié peut ainsi rapidement faire basculer la valeur du bien. Cette dernière dépend largement de l’acquéreur puisque c’est lui qui lui en confère.

Comme bon nombre d’actifs financiers, la volatilité est une caractéristique à ne pas négliger, les variations pouvant être rapides.

De la même façon, sans appétence esthétique particulière, votre investissement dépend de votre horizon de placement qui, tout comme les marchés financiers traditionnels, est mieux valorisé sur le long terme.

 

Il s’agit donc de différencier ici la rentabilité affective de la rentabilité monétaire. Selon Cécile Bernard, Directrice Générale de Sotheby’s France, l’actif artistique n’est pas un investissement à présenter comme un placement avec rendement assuré mais comme un placement plaisir pour l’acheteur ou le collectionneur. Parce que soumis au goût et effets de monde, la rentabilité d’une œuvre est impossible à prévoir. On peut toujours dégager certaines tendances qui viendraient dénoter d’une facilité à vendre un artiste plus qu’une autre, mais tout cela reste incertain. Prévoir un montant futur ou une plus-value sur un actif artistique relève du mensonge. Il est donc plus intéressant et plus précis de tirer des conclusions d’observations au présent.

Tendances et effets de mode

Cécile Bernard met en lumière une quadri-dimension de l’actif artistique : un achat plaisir, un rendement imprévisible, une facilité de transmission, et une sécurité de placement. Marc Lebouc, directeur de la galerie “La Bouquinerie de l’Institut” et expert en art moderne, rejoint sa consœur quant à l’idée que la notion de goût est placée au centre de la vente, comme de l’achat. C’est ce paramètre qui donne principalement sa valeur à une œuvre. De ce fait, il confirme l’importance de l’œil de l’expert et de l’appétence de l’acheteur pour l’œuvre.

 

L’œuvre d’art est donc un actif alternatif aux caractéristiques particulières bien distinctes des investissements financiers traditionnels. Les deux experts s’accordent pour constater des effets de mode qui influent considérablement sur le marché, accentués par la médiatisation. Aujourd’hui, le mobilier XVIIIème siècle a perdu en valeur parce que les particuliers voient avant tout un intérêt esthétique dans l’achat. Dans ce cas précis, le style plait de moins en moins parce qu’il détonne avec les inspirations du moment. En effet, les amateurs semblent préférer le mélange des styles, des pays et des époques. De même, les tableaux anciens, scènes religieuses et natures mortes ne trouvent pas acheteurs facilement.

 

A l’inverse, l’art contemporain, les arts premiers ou le design sont plus appréciés que le mobilier ou les tableaux anciens.

 

Par exemple, Jeff Koons ou KAWS sont aujourd’hui des artistes très rentables. La médiatisation joue un rôle clé dans le succès et la popularité de ces artistes et de leur travail. Dans une démarche de provocation, en cassant les codes, s’imposer avec décalage a finalement payé et montré des résultats non négligeables. Les réseaux sociaux s’imposent comme outil d’influence dans la carrière de certains artistes sur le marché de l’art.

 

Réglementation

Quand on aborde les transactions, la réglementation du marché de l’art en France est très stricte. Elle aborde la provenance des œuvres et des fonds, l’authenticité, la valorisation et l’exportation des pièces. La réglementation en place est très importante pour les professionnels qui sont plus responsables que les particuliers. Cela assure une sécurité d’autant plus forte sur le marché.

 

A noter que le marché de l’art est un marché très sensible aux évolutions et prises de décisions politiques. A titre d’exemple, la réglementation encadrant la vente et l’achat d’ivoire mise en place en 2016 a eu un réel impact sur les résultats du marché de l’art. Plus récemment, des retombées importantes sur le marché des arts premiers ont fait suite à la décision du gouvernement de restituer des pièces d’art tribal aux populations considérées comme spoliées.

 

Cette réglementation s’applique sur le marché dans sa globalité, et ses canaux de distribution.

Canaux de distribution

Il existe différents canaux de distribution sur le marché de l’art, quand on décide d’acheter ou de vendre. L’horizon de placement des actifs artistiques dépend du canal de distribution choisi :

  • Les ventes aux enchères sont un canal de diffusion et de distribution prudent tout en restant attractif. La maison Sotheby’s vend aujourd’hui, tous secteurs confondus, 80% des biens offerts à la vente. Son poids comme maison tricentenaire lui permet de mettre en place des stratégies marketing et de communication qui font d’une vente un véritable événement. “La vente aux enchères est un phénomène irrationnel pour un investisseur traditionnel puisqu’elle favorise l’adrénaline” comme nous le racontait Madame Bernard, et les réactions irrationnelles des acheteurs qui illustrent parfaitement le “placement plaisir” qu’est une œuvre d’art. Les maisons de ventes aux enchères créent l’expérience client et la mise en valeur des œuvres pour se différencier de leurs concurrents avec lesquels elles partagent souvent les mêmes estimations chiffrées des pièces.

 

  • Les galeristes et marchands favorisent l’achat court terme et la confidentialité du vendeur ou de l’acheteur. Ils exercent en direct ou via des foires de plus en plus développées.

 

  • Les collectionneurs peuvent également utiliser des sites internet (même si voir l’œuvre restera un fondamental avant achat) et directement via les ateliers d’artistes (une pratique valorisée par les conseillers artistiques pour construire une relation autour du créateur, son parcours, sa réflexion créatrice et le collectionneur).

 

De manière générale, on conseille de conserver l’œuvre au moins 5 ans avant de la reproposer à la vente, qu’importe le canal de distribution. Ce paramètre est à modérer et adapter dans l’exemple d’événements ponctuels tels que la mort soudaine d’un artiste qui viendrait augmenter très nettement la valeur de ses œuvres sur le marché. L’horizon de placement varie en fonction de la rareté de la pièce et augmentera si l’acquisition a été faite via une vente aux enchères.


Quels sont les coûts et la fiscalité liés aux actifs artistiques ?

Certains coûts non négociables sont inhérents à l’achat d’une œuvre d’art :

  • Les frais d’achat et droit de suite si artiste éligible (artiste mort depuis moins de 70 ans ou vivant)
  • Les frais d’assurance et/ou de stockage (frais inhérents à l’hygrométrie, caméra, coffre, etc.)
  • Il peut y avoir des frais d’entretien, mais cela reste plus rare.

 

A noter que dans le cas d’une transaction lors d’une vente aux enchères, les frais pour l’acheteur sont de 25% à 30% du prix d’adjudication à l’achat. Le vendeur, quant à lui, bénéficie d’une marge de manœuvre plus large en termes de négociation en fonction de la pièce présentée, les frais oscillent entre 0% et 15%.

 

La fiscalité avantageuse des œuvres artistiques est un point essentiel à prendre compte. Il s’agit donc de distinguer les frais afférents à un actif artistique de sa fiscalité.

 

NB: La TVA est applicable à l’achat (20% en cas de vente réalisée par un tiers (galerie d’art, antiquaire, négociant, intermédiaire, agissant en son nom propre : imposition uniquement sur la plus-value de cession). Sauf certaines spécificités comme l’or, les livres/manuscrits ou le vin).

CONCLUSION

types de produits trouvent plus de popularité auprès des acheteurs mais il s’agit uniquement de tendances qui se dégagent des ventes et qui découlent d’effets de mode actuels. Il est toujours plus intéressant de considérer l’achat artistique comme achat plaisir et non comme placement financier pur en vue de générer une rentabilité. Il faut également être renseigné sur les risques et pièges à éviter, ou chercher informations auprès d’experts.

 

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce milieu est ouvert aux amateurs et néophytes, qui peuvent bénéficier des conseils des plus aguerris qui les informent sur les dérives du milieu et sur l'investissement non négligeable qu’un actif artistique représente. Les intermédiaires et canaux de distribution peuvent être nombreux, c’est pourquoi il est plus pertinent de profiter de l’oeil d’un connaisseur en amont de quelconque investissement artistique.

 

De plus, en dépit des nombreuses nouvelles technologies et outils de divertissement faisant leur apparition massive sur le marché et dans nos vies, l’art représente toujours une valeur sûre d’achat plaisir. Certes, on connaît une baisse du niveau de culture générale telle qu’elle est définie par les intellectuels ; toutefois, d’autres tendances sociales sont notables et influent sur la création contemporaine artistique.

 

Il ne faut pas perdre de vue que l’art reste essentiel pour l’homme et ce, malgré les effets de mode. L’art n’a certes pas d’utilité, mais a un effet sur l’affect et sur les besoins émotionnels.

 

“Il n’est pas possible que l’on ait plus envie d’art. Le renouvellement du goût dépend de l’époque. Il faut parler aux gens et à leurs connaissances”, Cécile Bernard, 25/04/2019

 

Article rédigé par Marie-Alix Thomas et Chloé Limonaire

 


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